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Concilier rééducation, études et sport de très haut niveau : c’est le défi fou qu’a relevé Alexis Sanchez. Ingénieur diplômé de CESI en 2023, privé de ses jambes suite à un grave accident, il a participé aux Jeux paralympiques 2024 en aviron. Rencontre avec un alumni au parcours de vie hors du commun.

Le parcours unique d’Alexis Sanchez

Alexis, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Alexis Sanchez, j’ai 25 ans et deux casquettes : je suis diplômé de l’école d’ingénieurs CESI, que j’ai intégré après un bac scientifique, un cursus que j’ai choisi pour l’assurance d’un bagage et d’une situation financière solides. Parallèlement, j’évolue en équipe de France en tant qu’athlète paralympique en skiff, un bateau d’aviron à un rameur. 2024 restera une très grande année car que j’ai eu la chance extraordinaire de disputer mes premiers Jeux, à Paris. C’était l’ objectif que je m’étais fixé après l’été 2019 : j’ai eu un très grave accident de scooter qui a nécessité une amputation de mes deux jambes juste au-dessus des genoux. Je suis resté un an en centre de rééducation, où j’ai subi de multiples opérations. J’étais si heureux d’être encore en vie. Très vite, j’ai voulu me relever pour ma famille, rebondir pour faire quelque chose de fort. Et comme je suis quelqu’un de défi, qui n’aime pas stagner, je me suis fixé un triple projet : retrouver mon autonomie de marche ; terminer mes études et… faire les Jeux olympiques, alors que j’étais très loin du sport de compétition avant !

Pourquoi avoir choisi l’aviron ?

C’est l’histoire d’un coup de cœur et d’une rencontre. Il me fallait un sport que je pouvais pratiquer sans les membres inférieurs (je n’ avais pas à l’époque l’autonomie que j’ai aujourd’hui). Lorsque j’ai découvert l’aviron, avec l’association l’Avi-Sourire, j’ai tout de suite accroché : j’ ai aimé la sensation de glisse, la recherche du coup parfait, de la respiration parfaite, presque de la méditation, les paysages naturels, l’osmose avec le bateau. Et puis il y a eu les échanges avec Dominique Guende, la présidente de l’Avi-Sourire, qui a cru en moi et en mon projet. Je ne me rendais pas compte du niveau d’exigence que demande le paralympisme. Mais ensemble nous nous sommes entourés de meilleures compétences et avons monté un schéma de performance, pour me permettre de me professionnaliser. En général, il faut trois à quatre ans pour être un bon rameur, nous avons réussi en deux ans !

Comment t’es-tu préparé ?

Première chose, j’ai réappris à marcher. Cela m’a demandé six mois d’efforts très intenses, mais je suis parvenu à retrouver mon autonomie. J’ai aussi vite repris mes études, dès 2021, et validé mon diplôme. Le groupe Equans (anciennement ENGIE) avec lequel j’avais fait mon alternance en première année a continué à m’accompagner pendant et après mon accident. Il m’a proposé une nouvelle alternance dans une autre de leurs filiales pour que je puisse rester sur Marseille où avaient lieu les entraînements. Puis, une fois diplômé, alors que je n’étais pas encore en équipe de France, il m’a offert un contrat de travail, me libérant 90 % du temps.

J’ai alors pu me concentrer pleinement sur mon objectif : les Jeux 2024 ! Mais avant, j’ai dû décrocher mon ticket pour participer. J’ai disputé les championnats du monde en septembre 2023, pile au moment où je passais mon diplôme de fin d’études. Cela n’a pas été simple ! J’ai fini 9ème, un très bon score, mais pas suffisant pour être qualifié. J’ai donc dû courir une régate supplémentaire en mai 2024, à Lucerne, que j’ai remportée et j’ai atteint mon premier objectif qui était de participer aux Jeux Paralympiques ! Mais je voulais plus, y aller pour gagner, un challenge d’autant plus difficile que je n’avais plus que trois mois pour me préparer. Nous avons mis les bouchées doubles, avec trois entrainements par jour. La recette : du travail, du travail et encore du travail ! Tout se joue sur les détails et le mental.

Justement, c’est quoi ton moteur ?

J’ai un mantra : on ne peut pas battre quelqu’un qui n’abandonne jamais. Après mon accident, je voulais prouver à moi-même et à ma famille que rien n’est impossible. Le sport a été ma reconstruction, et l’aviron m’a donné un cadre pour transformer une difficulté en force. Le sport que je pratique, un long sprint de quasiment dix minutes sur deux kilomètres, demande énormément d’investissement personnel, d’entraînement et de ressources. C’est ce don de soi, mélange d’efforts, d’adversité et d’abnégation, qui est récompensé et c’est ça que j’apprécie. J’aime aussi l’idée d’être en compétition avec des athlètes qui ont des histoires de vie similaires à la mienne, sont capables de surmonter leur handicap, de relativiser et de tirer le positif de chaque situation. Mentalement, ce sont des rocs ! Gagner contre eux signifie que je n’ai rien lâché.

Je me suis fixé un triple projet : retrouver mon autonomie de marche ; terminer mes études et… faire les Jeux olympiques, alors que j’étais très loin du sport de compétition avant !

Alexis Sanchez

Retour sur les Jeux Paralympiques 2024

Vous avez participé à vos premiers Jeux Paralympiques cette année, en France et avez atteint la finale. Comment avez-vous vécu cet événement ?

Participer aux Jeux Paralympiques a été une expérience incroyable, un véritable rêve devenu réalité. Dès ma qualification en mai, j’ai mis tout en œuvre pour arriver prêt. Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’atmosphère au village olympique : être entouré des meilleurs athlètes du monde et sentir le soutien du public français a été inoubliable. C’est une compétition qui dépasse le sport, elle véhicule des valeurs humaines et d’inspiration. Finir en finale pour une première participation, c’est une grande satisfaction. J’ai appris énormément : gérer le stress, les attentes et les enjeux d’une compétition d’une telle ampleur. Ces enseignements me serviront pour la suite. À Los Angeles 2028, l’objectif est clair : décrocher une médaille et aller encore plus loin dans ma progression.

Pour conclure, en tant qu’athlète et ingénieur, comment vois-tu l’avenir ?

Avoir fait une école d’ingénieurs m’a donné une méthodologie très utile dans ma préparation de sportif de haut niveau et une formation scientifique très complète pour préparer la suite. Pour le moment, je me concentre sur ma passion, l’aviron, avec en ligne de mire les Jeux de 2028.

J’ai un autre défi qui me motive : les Jeux d’Hiver 2030. Ils m’offrent une opportunité unique pour explorer d’autres disciplines et repousser mes limites. L’idée de représenter la France dans une nouvelle catégorie est très excitante, et je réfléchis activement à intégrer un programme pour m’y préparer.
Ensuite, j’aimerais évoluer dans le para-sport, afin de mettre à profit ma propre expérience en tant que concepteur et usager : travailler soit dans l’ingénierie du sport, par exemple pour optimiser la performance des matériels ; ou sur les technologies dédiées à améliorer l’autonomie des personnes en situation de handicap, notamment amputées. J’ai eu la chance de bénéficier des meilleures techniques, je me dois de rendre cela. Je veux partager mon expérience en tant qu’ambassadeur pour promouvoir l’inclusion par le sport.