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Malgré un retard significatif avec l’Asie, l’industrie européenne de la batterie électrique est en train de se développer à vive allure, ce qui nécessite l’émergence d’un écosystème solide dans ce secteur d’avenir.

Vers une industrie autonome pour 2030

Plus de 30 millions de véhicules électriques seront en circulation en Europe d’ici 2030. Une conséquence de la fin de la vente des véhicules thermiques sur le territoire européen dès 2035. Autant de batteries à fabri-quer et un sacré défi pour l’industrie du vieux continent. Or, conséquence des vagues de délocalisation vers l’Asie dans les années 90, la Chine truste 77 % de ce marché stratégique, contre 14 % pour l’Europe et 6 % pour les Etats-Unis. Afin de rattraper ce retard, une trentaine de projets d’usines de batteries a été lancé ces dernières années en Europe, dont 4 en France (deux à Dunkerque dans le Nord, une à Douai et une à Douvrin dans le Pas-de-Calais), et d’autres, émergeront dans les années qui viennent.

L’objectif est simple : faire monter en puissance l’industrie française (et européenne) de la voiture électrique face à la suprématie asiatique et se rapprocher de l’autonomie (sécu-risation des approvisionnements, maîtrise des prix) en matière de production de batteries. Cette dernière représente aujourd’hui entre 40 et 60 % du coût d’une voiture électrique. Quant aux matériaux pour la fabri-quer, ils comptent eux-mêmes pour 80 % du prix.

Au cœur de la problématique, l’accès au lithium, un composant essentiel pour fabriquer une batterie, demeure essentiel. Si l’Australie en est devenue le plus gros producteur mondial, 55 % des ressources identifiées sont situées en Amérique du Sud. Si la Chine n’extrait que 20 % de la production mondiale de ce métal blanc stratégique, elle en raffine près de 60 %. Un avantage stratégique déterminant. « La Chine produit aujourd’hui près de 75 % des batteries au lithium dans le monde. Au fil des années, les chinois ont su protéger leurs approvisionnements en termes de métaux rares, grâce, notamment aux nouvelles routes de la soie » précise Yohan Dupuis, directeur de recherche à CESI LINEACT.

Vers une souveraineté européenne

Afin de rester compétitif, dans un contexte où le gouvernement chinois a interdit il y a quelques mois l’exportation de technologies stratégiques (dont celles des batteries) hors de son territoire, la France et plus largement l’Europe se doivent de réagir.

Tout d’abord en incitant leurs industriels à fabriquer leurs propres lignes de production, et ainsi limiter les importations chinoises et coréennes, ensuite en développant des technologies de rupture avec, par exemple, des options de stockage d’énergie telle que l’hydrogène. Par ailleurs, afin de rester compétitif sur le marché mondial, les industriels européens de la batterie doivent impérativement recycler les matériaux présents sur le territoire, afin de couvrir une partie substantielle de la demande. Une voie vertueuse écologiquement qu’a validée l’Union Européenne en imposant dès 2025 des niveaux de matériaux recyclés minimums dans les batteries. Au niveau de la production proprement

dite, des progrès notables sont à constater, du côté des industriels européens désireux de s’émanciper de l’hégémonie chinoise et asiatique.

« Actuellement les batteries sont majoritairement conçues en lithium-ion liquide. Or, on s’achemine vers des systèmes plus solides qui génèrent moins de risques d’explosion et qui sont moins lourds, ce qui allège mécaniquement le poids des voitures » se réjouit David Garcia, responsable du département recherche et innovation à CESI LINEACT

L’alliance qui vise à concurrencer l’Asie

Afin de bâtir un écosystème européen de la batterie viable et pérenne, un groupe d’industriels et d’universitaires se sont réunis depuis octobre 2022 et ont créé Upcell Alliance, un consor-tium destiné à soutenir les acteurs locaux dans le développement de leurs activités et de leurs capacités de production de batteries électriques.

« En Europe, plus de 25 sociétés de constructions de batteries projettent la création de plus de 100 gigafactories d’ici 2030. Cela  représente, au moins, 150 milliards d’euros d’investissements sur la chaine de production des batteries électriques, comprenant d’importants équipements industriels et machines de production,  recherche et développement, innovation et formation » souligne  Claude Laperière, président  d’Upcell  Alliance, lui-même Director Global Battery Business IA chez Schneider Electric, qui rappelle que si les batteries électriques serviront à 80% pour les voitures, elles concerneront  également les bus, les bateaux et autres moyens de transport.

« Les asiatiques possèdent 10 ans d’avance technologique sur l’Europe mais nous serons compétitifs. 11 pays européens sont d’ores et déjà mobilisés pour se lancer dans la construction de lignes de productions » ajoute-t-il.  « La France est en train de construire un écosystème autour de la batterie, avec des formations, comme l’illustre la création de l’École de la Batterie.  Il faut impérativement développer les compétences et rendre attractive chez les jeunes cette filière d’avenir », pointe Hugues Delalin, ingénieur pédagogique au sein de CESI.

« La France possède une forte expertise pour adopter une approche intégrée et inclusive, faisant converger et dialoguer industrie, formation et entrepreneuriat » se réjouit Yohan Dupuis. Avec une forte baisse des matériaux pour batterie – de 30 à   50 % –   l’an dernier selon les analystes de la banque HSBC, en raison d’une surcapacité de production en Chine, les coûts des constructeurs devraient baisser de 20 %, estiment les mêmes. De quoi donner du baume au cœur à l’industrie européenne de la batterie !